Présentation du programme provisoire de la présidence finno-suédoise 2023-2025

Discours du président Kari Kuusiniemi devant l'Assemblée générale de l'ACA-Europe, Naples, 27 juin 2023

Monsieur le président, chers collègues,

La Finlande a été élue pour présider l’ACA-Europe en 2023-2025. Avec ma collègue et amie suédoise, Mme Helena Jäderblom, présidente de la Cour administrative suprême, nous avons toutefois convenu que la présidence finlandaise serait un effort conjoint, en étroite coopération avec la Suède.

Si l’on considère les grandes lignes du programme de la présidence, la mission de l’ACA-Europe constitue notre point de départ. Nous avons également étudié les programmes des conférences passées et avons pu, à cet égard, nous pencher sur les programmes de la présidence allemande et de l’actuelle présidence italienne. Comme nous le savons tous, l’ACA-Europe est une association internationale composée de la Cour de justice de l’Union européenne et des juridictions administratives suprêmes des États membres de l’UE. Ces dernières jouent un rôle essentiel d’unification et d’harmonisation du droit de l’UE. Par conséquent, les activités principales ont trait à l’analyse et à la sensibilisation liées à la mise en œuvre du droit de l’UE relevant de la compétence des plus hautes juridictions administratives.

Durant les trois années extrêmement réussies de la présidence allemande (2019-2021), prolongée par la pandémie de COVID-19, l’accent a été mis sur le droit administratif comparé, en particulier le droit de la procédure administrative (ReNEUAL). Les modes et conditions de fonctionnement des juridictions administratives suprêmes, y compris l’accès à ces tribunaux et les mécanismes de filtrage, ont constitué un autre sujet clé. La documentation juridique a également été à l’ordre du jour.

L’actuelle présidence italienne (2021-2023) promet de s’achever de manière parfaite, avec des événements fantastiques en présentiel à Florence, Rome et ici à Naples. Il nous sera impossible de rivaliser avec nos hôtes et amis italiens pour le décor de nos rencontres et le programme culturel. Nous avons malheureusement aussi subi une perte terrible durant la présidence italienne. Le président Franco Frattini, nommé président du Conseil d’État après la nomination de Filippo Patroni Griffi à la Cour constitutionnelle, est décédé tragiquement le Noël dernier. Nous avons perdu une personne, un homme d’État, un juge et un ami remarquable. Le président Luigi Maruotti a eu fort à faire ce printemps pour diriger le Consiglio di Stato et l’ACA-Europe. Avec l’aide de votre excellent personnel, vous vous en êtes sorti avec brio, et nous tenons à vous féliciter chaleureusement, vous et votre équipe. Nous rendons tous hommage au Conseil d’État italien pour ces deux années inoubliables!

La présidence italienne s’est concentrée sur la création d’une culture judiciaire commune. Le programme a mis l’accent sur le dialogue horizontal entre les cours administratives suprêmes nationales, sous le titre « Le rôle des juges dans le processus d’intégration européenne : dialogues horizontaux entre les cours administratives suprêmes nationales ».

Tenant compte de ce contexte, le programme finlandais se concentrera, pour changer de perspective, sur le dialogue vertical entre les cours administratives suprêmes, d’une part, et les cours européennes (tant la CJUE que la CEDH), d’autre part. L’accent sera mis davantage sur la dimension procédurale que sur la dimension matérielle de cette relation.

L’analyse des décisions des juridictions nationales au regard de la jurisprudence de la CJUE et de la CEDH figurera notamment au programme. L’accent sera mis sur la procédure devant les juridictions nationales liée aux décisions préjudicielles de la CJUE : à quoi ressemble la procédure devant les juridictions administratives suprêmes lorsque celles-ci envisagent de poser une question préjudicielle à la Cour de Luxembourg, comment les juridictions nationales procèdent-elles après avoir reçu l’arrêt de la CJUE, dans quelle mesure les juridictions nationales remettent-elles en cause ou distinguent-elles les arrêts de la CJUE, et comment mettent-elles en œuvre ces arrêts dans leurs décisions, dans quelles situations les juridictions nationales considèrent-elles la question comme un acte clair ou un acte éclairé, etc. Des considérations quelque peu similaires pourraient, mutatis mutandis, être assorties à la jurisprudence de la CEDH, tout comme la possibilité relativement nouvelle de demander un avis consultatif, sur la base du protocole nº 16 à la convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales.

Dans le cadre de l’analyse des relations entre juridictions nationales et droit supranational, nous pourrions également accorder une certaine attention à la relation entre juridictions nationales et constitutions nationales. Comment les constitutions affectent-elle les arrêts des juridictions suprêmes nationales ? Existe-t-il une certaine similitude dans l’interprétation de la constitution avec, par exemple, l’interprétation des directives de l’UE (la disposition d’une loi nationale promulguée par le Parlement peut ou doit-elle être écartée lorsqu’elle entre en conflit avec la constitution, le droit national doit-il être interprété à la lumière de la constitution, etc.) ? Nous pourrions également comparer les effets des constitutions nationales à ceux de la Charte des droits fondamentaux de l’UE. Il se peut, bien entendu, que la compétence des cours administratives suprêmes dépende de l’existence d’une cour constitutionnelle.

Des questions de procédure pratiques, d’importance secondaire, pourraient également être abordées dans le cadre du programme. Mentionnons notamment la coopération entre les juridictions administratives nationales, c’est-à-dire la situation dans laquelle il s’impose d’entendre, par exemple, des parties à la procédure qui se trouvent dans un autre État membre que celui où la procédure se déroule.

À la suite des conversations fructueuses entre les cours administratives suprêmes de Finlande et de Suède, mais aussi avec nos partenaires en Croatie, en France et aux Pays-Bas, nous sommes heureux de présenter une vue d’ensemble provisoire des séminaires qui auront lieu au cours de la prochaine présidence.

Les six séminaires présentiels suivants seront organisés:

  1. Conférence des 9 et 10 octobre 2023 à Stockholm, en Suède, sur les décisions préjudicielles, de CILFIT à Consorzio (C-561/19), l’accent étant mis sur des questions telles que l’obligation de renvoi par rapport à la « marge d’appréciation », le rôle des juridictions inférieures, le suivi national des arrêts de la CJUE, la qualité et la clarté des arrêts de la CJUE, et le développement du système de décision préjudicielle en coopération avec la CJUE
  2. Séminaire du 19 février 2024 à Zagreb, en Croatie, sur les mécanismes visant à contrecarrer les décisions contradictoires des différentes cours suprêmes nationales, des cours constitutionnelles ou des tribunaux spéciaux, ainsi que de la CJUE et de la CEDH
  3. Conférence, réunion du conseil d’administration et assemblée générale du 26 au 28 mai 2024 à Saariselkä, en Laponie (Finlande), sur diverses questions constitutionnelles : droits fondamentaux, constitutionnalité de la législation, suprématie du droit de l’UE, État de droit, garanties de l’indépendance des tribunaux, etc.
  4. Séminaire du 29 novembre 2024 à Versailles, en France, sur les juges des juridictions administratives suprêmes et l’éthique (déontologie)
  5. Séminaire des 10 et 11 mars 2025 à La Haye, aux Pays-Bas, sur la pseudonymisation des arrêts des tribunaux, et enfin,
  6. Conférence, réunion du conseil d’administration et assemblée générale du 26 au 28 mai 2025 à Helsinki, en Finlande, sur le dialogue avec la CEDH, le protocole nº 16, l’incidence et l’acceptabilité au niveau national des arrêts de la CEDH.

Nous sommes très fiers d’avoir été chargés d’assumer la présidence de l’ACA-Europe. Nous mettrons tout en œuvre avec nos partenaires pour que vous bénéficiiez, chers collègues, d’un mandat de deux ans inoubliable, avec l’objectif marqué de renforcer la coopération entre nos juridictions administratives suprêmes nationales et les juridictions européennes. Ensemble, nous construirons un État de droit robuste au niveau européen.


27.6.2023